Le Pacte qui changea le monde
Une élaboration nécessaire
C’était il y a 20 ans exactement, nous étions en plein cœur de l’été, un nouvel été suffocant, terrible de chaleur et d’un nombre inédit de feux de forêts, de sécheresse, d’un pic de mortalité encore jamais atteint. Sans le savoir, le monde s’apprêtait à changer, à basculer dans une nouvelle ère de conflits et de tensions.
La génération précédente se relevait juste des conflits provoqués, une nouvelle fois, par la peste brune installée à travers le monde et particulièrement en France, 80 ans auparavant. L’espoir d’un apaisement s’installait juste qu’une nouvelle période de haute tension, et non des moindres, allait naître.
L’été s’était ouvert avec un premier incident : Une myriade de satellites américains dysfonctionnels, tous impactés par une même panne, se mettent à dériver et entraînent avec eux la destructions de milliers de modèles en partie chinois et indiens. Le résultat est immédiat, l’accès au Net est fortement impacté dans ces pays, menaçant le bon fonctionnement de nombre d’infrastructures sensibles. Problème, l’entreprise privée américaine à l’origine de la constellation de satellites défectueux ayant fait faillite, l’état américain s’est vu contraint d’endosser les responsabilités mais aussi de fournir une solution de dépannage en attendant le lancement de nouveaux satellites chinois et indiens. Ce à quoi l’administration américaine s’opposa arguant qu’il ne pouvait être tenu responsable des agissements de cette société privée financée à l’époque autant par des fonds américains que canadiens. En guise de solution alternative, il proposèrent aux pays touchés de se connecter à leurs satellite le temps de trouver une solution adéquate. Inde et Chine refusèrent dénonçant une menace pour leur souveraineté numérique, le ton monta dès lors, chinois et indiens accusant les américains d’avoir provoqué un tel incident à seule fin de les forcer à se connecter à leurs satellites. Dans ce marasme ambiant, la Chine menaça de détruire à son tour des constellations de satellites en guise de rétribution. l’ONU intervint avant que les actes des uns et des autres ne deviennent incontrôlables et perturbent durablement l’accès que Net. Autre conséquence et non des moindres, les milliers de satellites qui se détruisirent, brûlés en entrant dans l’atmosphère terrestre provoquèrent une pollution atmosphérique. Lors de la mousson qui s’ensuivit, les pluies acides détruisirent les cultures et la végétation autant en Inde qu’en Chine participant à faire monter le thermomètre des tensions mondiales à son paroxysme.
Des tensions d’autant plus exacerbées que depuis plusieurs mois, chinois et américains se renvoyaient insultes et menaces accusant l’un et l’autre d’ingérences de leurs armées numériques sur leurs territoires respectifs.
L’Europe quant à elle, pensait enfin être parvenue à élaborer sa propre IA générative, promettant de se débarrasser des technologies américaines, chinoises et indiennes. Hélas cette nouvelle tentative fut un échec cuisant, l’IA en question fut en effet infectée – on ignore encore aujourd’hui qui est à l’origine de cette attaque – et la technologie passa de « gérérative » à « dégénérative » selon les termes des journaux à travers le monde, hilares de voir l’Europe échouer aussi lamentablement. Mais l’absence de coupable à blâmer ne fit qu’exacerber l’atmosphère de défiance et de paranoïa mondiale à l’heure où la société ultra-connecté était mise à rude épreuve.
Et puis survint LA Catastrophe, celle qui éclipsa tous les incidents précédents et, paradoxalement, permis de faire retomber toute cette tension. L’horreur absolu, les pires craintes devenues réalités, comme source de paix. C’est que, face à l’explosion nucléaire qui ravagea la Corée réunifiée et une grande partie du continent asiatique, le monde s’est concentré à panser des plaies d’une gravité sans précédent. Face à une telle horreur, les pays du monde entier retrouvèrent une nouvelle complicité.
Tous ces événements avaient un point commun : la porosité numérique d’une société ultra-connectée.
La naissance du Pacte International sur les libertés individuelles et privées
Sans que l’on ne sache réellement à qui imputer ces catastrophes, il était évident que des groupes pirates ou des mercenaires faisaient peser une menace sur les intérêts privés. Que ce soient ceux liés à un état et à ses infrastructures, ou ceux de n’importe quel quidam muni d’un objet connecté.
Les incidents étaient nombreux et variés : Une douche connectée qui n’envoi plus qu’une eau brûlante (plusieurs personnes, dont des enfants, ont été ébouillantés ainsi), un miroir connecté affichant des images horrifiques (provoquant des infarctus chez certaines personnes fragiles), une caméra de surveillance qui filme en continu et diffuse sur des réseaux pornographiques les moindre détails privés, sans parler des voitures, tondeuses, vélo électriques devenant complètement fou au point de mettre en danger leurs utilisateurs… Le tout amenant parfois à l’usurpation d’identité complète.
C’est dans ce contexte de crainte et de tensions que les pays membres de l’ONU donnèrent vie au Pacte International sur les libertés individuelles et privées. Un terme bien alambiqué qui ne peut masquer l’incroyable complexité pour les pays signataire à trouver une législation capable d’apporter une protection globale sans pour autant nuire à certains intérêts nationaux. Il ne fallait pas non plus enfermer dans un carcan de mesures répressives et assommantes un secteur d’activité source de profits et d’un intérêt vital pour la société connecté.
Le Pacte réussit cependant à apaiser certaines tensions en ajoutant de nouvelles normes de sécurités lors de la création de tout objet connecté comme par exemple par la mise en place de signatures numériques obligatoires capable de tracer et d’identifier plus précisément les mouvements virtuels de chaque citoyen ou société privé. Les armées numériques durent aussi adopter cette signature immédiatement. De nombreuses autres mesures virent ainsi le jour qui renforcèrent l’empreinte de chaque utilisateur des réseaux, leurs allers et venues et la facilité d’identifier tout individu dès lors qu’il se connecte.
Il fallait que l’époque soit réellement troublée pour que ces mesures ne rencontrent que très peu d’opposition tandis qu’il était clair que tout cela participait à une seule chose : la disparition de l’anonymat et la surveillance perpétuelle de toute activité, que ce soit pour les citoyens, que pour les états et les sociétés privées.
Seuls les partis pirates et bien entendu le Black Cross s’opposèrent à ce pacte et à ses dérives éventuelles très bien ciblées et documentées. Mais il ne faisait pas bon être trop vindicatif à l’heure où le monde entier ne cherchait que paix et calme afin de panser les plaies ouvertes avec la Catastrophe de Corée. Le Pacte vit donc le jour mais il fut accordé au Black Cross une plus grande permissivité dans sa lutte contre les abus éventuels d’entreprises et d’états à violer la vie privée de leurs citoyens. Une mesure appréciée autant par les membres de Black Cross et des partis pirates que par une opinion publique soulagée de compter sur un garde-fou… Qui s’avèrera bien entendu illusoire.
De rempart à prison aux murs impénétrables
Les années passèrent et le monde reprit son cours normal pendant dix étranges années. Le monde changeait et il était évident qu’une nouvelle société était sur le point d’émerger. Dans son sillage, l’idée d’un Net ultra sécurisé, débarrassé de toute menace imprévisible comme pouvaient en créer certains groupuscules pirates terroristes.
Il faut dire que depuis la Catastrophe de Corée, un nouveau mouvement naquit : le Parti Libertaire. Celui-ci prônait la mise au ban des pirates quels qu’ils soient, la sécurisation totale du Net afin de faire naître une nouvelle énergie appelée l’Energie du Net. Cette idée sensée être révolutionnaire était le fer de lance de ce nouveau mouvement qui promettait un retour à une consommation infinie débarrassée des énergies polluantes et onéreuses. Marginal d’abord, ce mouvement qui naquit aux Etats-Unis, devint un mouvement plébiscité en quelques années seulement, soutenu et financé par de grands noms tels que la société EDEN.
L’année précédant l’avènement de la 1ere Guerre Mondiale Numérique, le Pacte International relatif aux libertés individuelles et privées fut utilisé par les partisans des idées du parti libertaire à seule fin d’exercer une surveillance massive des citoyens sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Car tout pirate était devenu un terroriste potentiel et en une année, les partis pirates durent se justifier de ne pas être liés à des attentats pullulants étonnamment à travers le monde entier. L’assassinat de la représentante emblématique du parti libertaire Lisa Humphrey ne fit qu’accélérer cette mouvance. Bientôt, même l’ONG Black Cross et ses représentants (dont Mark Lehanne), pourtant considérés depuis 80 ans comme garde-fou nécessaire et salutaire face aux abus autoritaristes, fut considéré comme entreprise terroriste.
Le Pacte mis en place dans une période de grande tension mais portée par une paix retrouvée après la Catastrophe de Corée, devint, en une année seulement, un piège grossier permettant à tout état de surveiller ses citoyens arguant d’une chasse aux terroristes éventuels.
Ce qui devait être un Pacte humaniste et tolérant s’est révélé être une arme de surveillance massive, la pierre angulaire d’une répression mondiale qui permit l’émergence d’un nouvel ordre, d’une nouvelle société, celle dans laquelle nous sommes depuis la fin de la 1ere Guerre Mondiale Numérique : une société sous haute surveillance constante.
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