La Seconde Révolution Française
“On n’a jamais essayé…”
« On n’a jamais essayé… », voilà ce que retiennent les livres d’histoire de la période précédant l’élection d’un gouvernement fasciste par le peuple français. « On n’a jamais essayé » ou la rhétorique du vide : un mélange d’ignorance, de désir féroce de vouloir se voiler la face, une fausse rébellion contre le système qui place celui qui invoque cette phrase comme complice des catastrophes à venir. Une maxime dont on se sert depuis, avec ironie, pour exprimer l’abandon et le dépit. Une phrase innocente de prime abord annonciatrice d’un grand chaos.
La génération de nos grands-parents était pourtant prévenue. Le stratagème était grossier, la recette connue depuis des années tandis que le parti d’extrême droite grignotais doucement mais sûrement chaque élection majeure. Rien n’y fit, ni les appels à une union populaire (pour la énième fois), ni la recrudescence des exactions perpétrées à travers toute la France par des groupuscules racistes totalement décomplexés, ou les outrances des représentants du parti fasciste. Qu’une vaste majorité des médias de l’époque puissent offrir au futur dictateur Léon Saint-Sauveur et ses sbires, une image polie et sage n’était en rien une excuse. Personne ne pouvait se voiler la face au point qu’au lieu de combattre résonnait ce triste et funeste : “On n’a jamais essayé…”.
Une fois élu, celui dont on se refuse encore a prononcer le nom sans une immense honte, n’aura mis que quatre mois pour faire passer la France d’un état de droit à un état ouvertement fasciste. Face à un peuple désabusé et prompt à courber l’échine, devant des partis d’opposition pas plus combattifs que des chatons noyés, la porte était grande ouverte pour que Saint-Sauveur applique une politique agressive et dictatoriale.
Nous ne reviendrons pas ici sur ce que l’Histoire en a retenu et que vos grands-parents vous ont sûrement contés (pour ceux qui n’étaient pas trop étouffés par la honte), mais bien pour parler de ce qui permis la révolte d’éclater. Une étincelle dans le noir, un sursaut qui sorti tout un peuple de sa léthargie afin de faire tomber le régime de Saint-Sauveur.
Et le peuple se soulève… Enfin
Le soulèvement prit d’abord un visage numérique. Ce sont les groupuscules pirates qui furent les fers de lance du mouvement… Insaisissables, hyperactifs, ils envahirent l’espace numérique en menant des batailles contre la désinformation du gouvernement. Organisés d’abord virtuellement, ils formèrent d’efficaces groupes d’intervention sur le terrain.
Ce qu’il restait de l’opposition était détruit, les lois les plus outrancières étaient votées, les médias censurés – même si les voix discordantes étaient déjà peu nombreuses et peu virulentes – et de nombreux canaux de diffusion numériques subissaient une vaste censure. Un plan de surveillance global mis en place dès les premiers mois par Saint-Sauveur sous prétexte, bien entendu, de protéger son peuple contre les potentielles attaques terroristes pirates.
Malgré ces entraves, les canaux de diffusion des informations se multiplièrent de façon clandestines, les groupes pirates installant des réseaux parallèles et sécurisés dans diverses zones afin de continuer leur combat et impliquer de plus en plus de citoyens. Un travail de l’ombre qui porta ses fruits et pendant deux années, le sursaut se changea en révolte lorsque le gouvernement menaça de déclarer la guerre à son voisin espagnol.
Pour rappel, une des premières actions coup-de-poing des groupes de rébellion, fut de retrouver et de publier les retranscriptions des communications passées entre le ministère de l’intérieur et la milice d’intervention de l’état, la fameuse SAC (Service d’Action Civique). Un document compromettant attestant que le ministre avait commandité puis avalisé la décision d’abattre l’ambassadeur d’Espagne en France. Accusé sans fondement d’être un espion du “gouvernement d’extrême gauche” espagnol, sa mort fit grand bruit et alimenta définitivement la défiance de l’Europe entière à l’égard du gouvernement de Saint-Sauveur. Le coupable ne fut jamais trouvé, jusqu’à la publication de ces écoutes qui valut au ministre un mandat d’arrêt international… Qui ne l’empêcha pas de garder son poste.
Aussi sot qu’il se croyait intouchable, ce même ministre de l’intérieur, un an plus tard, fut arrêté en pleins ébats dans une maison close de luxe de… Barcelone. Un événement ubuesque qui, loin de désarçonner le gouvernement de Saint-Sauveur, le poussa à déclarer la guerre à l’Espagne… Une première depuis la seconde guerre Mondiale. Un acte qui, au contraire de souder le peuple français derrière ses dirigeants, termina de les liguer contre lui. Aidés par les puissances européennes depuis quelque mois déjà, les partis pirates lancèrent les premiers assauts en paralysant, par l’intermédiaire d’attaques numériques, la France entière. Les grèves finirent de mettre le pays à l’arrêt et la révolte éclata dans les rues.
Une révolte violente qui opposa les partisans de Saint-Sauveur, pour la plupart armés et rompus aux violences urbaines, contre le reste du peuple français. Une guerre civile, sans pitié dont les horreurs ne cessent de nous parvenir même plus d’un demi siècle après. Combien de témoignages déshonorants, de familles qui s’entre-tuent, d’exactions violentes dans les rues, chez les habitants… Longtemps l’on compara cette guerre civile à la nuit de la Saint-Barthélemy ou à la période de la Terreur plus qu’à la Révolution française. Mais les médias étrangers retinrent le terme, qui s’imposa par la suite, de Seconde Révolution Française.
La suite, nous la connaissons tous, un groupe de rebelle parvint à prendre en otage Saint-Sauveur qui se rendit piteusement, tandis que les forces armées européennes vinrent s’assurer que le calme revint en France, laissant les groupes pirates organiser des élections et enfin apporter un semblant de stabilité en France.
La réécriture en marche
Depuis, le 23 janvier est une date de commémoration, le jour où le peuple se défit d’un gouvernement totalitaire et fasciste. C’était, en France, l’avènement de la révolte numérique, la naissance des partis pirates tout puissants et l’arrivée de nouveaux grands personnages politiques. Au même titre que le 14 juillet, l’on célèbre en janvier la libération du peuple français, son soulèvement et le courage de quelques groupes pirates qui se sont ligués pour réveiller un peuple endormi.
Aujourd’hui, la plupart des héros et héroïnes de ce temps ne sont plus et leurs voix portent un silence pesant. Un silence dans lequel chacun a accepté de se complaire à l’orée de la 1ere Guerre Mondiale Numérique. Car, depuis, célébrer des groupuscules pirates comme porteurs de liberté et de juste rébellion est devenu un tabou. Plus qu’un tabou : un délit.
A l’heure où le terme « pirate » est lié au terrorisme, aux Non-Citoyens, il est indispensable pour beaucoup, de réécrire l’histoire de cette Seconde Révolution Française. Le 23 janvier n’est plus un jour férié dédié à des commémorations, à peine cette époque charnière est-elle présente dans les nouveaux manuels scolaire. Et lorsque l’on parle de cette période sombre, ce n’est plus pour chanter les louanges des groupes rebelles, mais pour parler d’un peuple français combattif dès les premières heures, se levant comme un seul homme face aux ambitions guerrières du gouvernement de Saint-Sauveur.
« On n’a jamais essayé… » Imaginez, cette phrase est le porte étendard de cette génération, celle de nos grands-parents, qui a baissé les bras et laissé faire ce que l’on ne pensait jamais revoir en France. Imaginez à présent que de cette génération dont nous nous sommes tant gaussés avec notre regard de contemporains condescendants, qu’en réalité, nous en sommes les parfaits mimes. Notre drame aura été cette satanée 1ere Guerre Mondiale Numérique et tout ce qui s’en est suivi depuis.
La révolte ne pourra plus être portée par les groupuscules pirates cette fois-ci, alors qui, dans un monde qui semble profondément anesthésié et lobotomisé, saura lutter contre l’ordre établi, non seulement en France, mais dans le monde entier ?
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