La 1re Guerre Mondiale Numérique n’a pas eu lieu…
Une crise énergétique en premier lieu
La guerre s’est achevée il y a bientôt dix ans. Dix ans pendant lesquels des récits ont été détournés, des héros oubliés ou mis au ban de la société, dix années et bien plus encore, où l’on impute le déclenchement du conflit à une poignée de Pirates, terroristes contemporains que l’on imagine tout-puissant.
Les récits nationaux ne parlent que de ces Pirates, à tel point qu’écrire le mot, le prononcer publiquement, peux valoir une mise sous surveillance étroite de son Navi, une restriction de l’accès aux ressources ou pire, une incarcération. On oublie pourtant bien vite que le conflit s’est construit non pas sur la supposée toute puissance des groupuscules Pirates, mais bien sur une crise énergétique.
Le monde d’avant le conflit, pour ceux qui ne s’en souviennent pas, se construisait sur des bases de restrictions énergétiques, d’intérêts écologiques devenus critiques, de raréfaction de nombreuses ressources qui faisaient que les sociétés du siècle précédent fonctionnaient. La consommation dans l’abondance n’était plus qu’un concept éculé, impossible à suivre structurellement. Nombre de nouvelles énergies ont vu le jour, pour des résultats variables mais à aucun moment l’une d’entre elle n’apportait la Sainte promesse de retrouver les fastes de la consommation d’antan. La tragédie nucléaire de la Corée réunifiée et tout ce qui s’en est suivi ensuite avait déjà changé la face du monde, déplaçant des millions d’individus, faisant apparaître le nouveau fléau qu’est la Peste Verte, mettant en arrêt les économies mondiales et avec elles les désirs de recherches vers des énergies encore inexploitées ou réellement vertes.
Alors que faire ? Comment structurer les sociétés lorsqu’aucune solution n’est viable à court terme, que le monde se délite sur fond de “guerres de l’eau”, que les températures ne cessent de grimper, changeant la face de certains pays, où des millions de personnes se voient contraintes de migrer vers des contrées plus “froides”, attisant sans cesse des tensions migratoires, plongeant les anciennes démocraties dans un simulacre d’autocratie ?
Il suffisait… De ne rien changer. Ne rien changer oui, ou plutôt, détourner les regards pour les éloigner du vrai problème et en inventer de nouveaux. Ce pourrait être un conte tragi-comique, c’est pourtant la réalité du monde qui a provoqué la 1re Guerre Mondiale Numérique.
Les Pirates comme bouc-émissaires
Le nucléaire, déjà considérée comme la seule alternative viable dans un monde à la recherche d’énergies moins polluantes, n’a cessé de croître, encore plus, paradoxalement, depuis la catastrophe coréenne. Les autres énergies (éolien, biomasse, solaire, hydroélectrique) pourtant bien implantées depuis les plans de recherches du siècle précédent, pâtirent de la quasi-disparition des métaux rares dont l’exploitation a surtout laissé plusieurs pays écologiquement ravagés.
La Data comme étalon directeur, la surveillance et la contrainte comme remède miracle. Ainsi se dessinait le monde, ainsi est-il devenu.
La seule solution envisagée aura été d’imposer des restrictions, de passer à l’énergie du Net et ainsi avoir une plus grande maîtrise des flux de consommation. Réduire la voilure afin de tenter de réduire la consommation des stocks énergétiques d’alors et croiser les doigts pour trouver une solution miracle pour cette génération ou pour celle d’après. Une vision très critiquée, court-termiste et sans aucune assurance de réussite. Pourtant, c’est ce qui a été décidé, emboîtant le pas à la Chine, à l’Inde ou encore une partie de l’Europe centrale : se servir du numérique afin de calculer les consommations des pays, des villes, des populations, ouvrir les vannes lorsque cela est nécessaire et imposer à chacun une consommation limitée et surveillée.
La Data comme étalon directeur, la surveillance et la contrainte comme remède miracle. Ainsi se dessinait le monde, ainsi est-il devenu.
Et très vite les discours liés à l’énergie ont changé. La catastrophe coréenne n’aurait pas été due à une erreur humaine, mais à l’intervention de Pirates ayant saboté la centrale. Accroître les énergies nucléaires, reprendre l’extraction de charbon, faire de nouveau appel au pétrole, fouler du pied des années de lutte contre les énergies fossiles et les extractions polluante ? Ce n’était plus un sujet. Craindre qu’une bande d’illuminés incontrôlables derrière leurs ordinateurs puisse lancer des lignes de commande capable de détruire la planète, là était, soudain, la véritable inquiétude.
C’est alors qu’est apparu le Parti Libertaire qui a essaimé à travers le monde en un clin d’œil, ayant comme culot de faire passer les lois les plus liberticides pour des parangons de liberté. Leur but : convaincre les peuples qu’un net libre et non contrôlé était la porte ouverte à la perte des libertés de chacun. Doucement le piège s’est refermé, en contraignant les peuples sous les affres de l’énergie de Net, sous un contrôle permanent des consommations, l’on est arrivé à leur faire croire que la perte d’un peu plus de liberté encore, était le summum de la liberté.
En conséquence, dans les plus hautes instances étatiques et en particulier à l’ONU où le comité spécial de défense des libertés numériques, crée à la suite de l’inscription dans la charte des Droits de l’Homme du Pacte International sur les libertés individuelles et privées, a senti peser sur lui une pression incomparable. Le vent soufflait dans un sens différent, il ne s’agissait plus de défendre les libertés individuelles, mais de les effacer au profit d’une nouvelle idée de la liberté.
L’organisation de la lutte
C’est à cette période que les groupuscules Pirates se sont organisés dans une proportion et une discipline encore jamais vue, un tour de force des Pères Fondateurs qui effraya les partisans des “libertaires” au point de lancer des attaques répétées et de plus en plus virulentes à leur encontre.
Les tensions ne cessèrent de croître et advint ce que le monde entier redoutait : une série d’attentats. Tous furent imputés à des mouvements Pirates, mais aucune enquête officielle n’a réellement statué sur ces accusations. La ruine était en marche, inéluctable et les membres des partis libertaires se sont repus de ces événements atroces, sans chercher à savoir qui des Pirates ou des Corsaires étaient le fautif. L’heure n’était pas à faire le jour si ces attaques étaient le fruit d’interventions d’autres états, l’ennemi était tout trouvé, il fallait l’abattre coûte que coûte.
Ces attentats n’ont fait qu’exacerber l’idée que les Pirates pouvaient tuer dans des proportions importantes, que leurs actes n’avaient pas seulement des conséquences virtuelles. L’idée qu’ils pouvaient être à l’origine de la catastrophe coréenne n’a fait que grandir, jusqu’à devenir une certitude dans l’inconscient collectif.
C’est ainsi que les tensions se sont faites de plus en plus fortes entre des Pirates désireux de combattre pour leur liberté et les partis libertaires soucieux de créer un net définitivement cloisonné, purgé de toute menace imprévisible.
Retenez bien cela, nullement il n’a été question de défendre les intérêts des peuples, plutôt de faire entrer le monde dans un schéma de préservation et de contrôle des énergies, un schéma dans lequel se sont engouffrés nombre d’intérêts privés dont certains se sont taillé la part du lion, à l’image d’EDEN.
La 1re Guerre Mondiale Numérique n’a pas eu lieu… Pas tels que les récits nationaux le laissent entendre. Il n’a jamais été question de combattre la piraterie, mais bien de soumettre les peuples à une surveillance généralisée avec leur assentiment, qui plus est…
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